vendredi 13 avril 2012

Inceste : un film pour briser le silence


Le prochain et cinquième film de Maniang Diagne traitera du difficile problème de l’inceste. « Au-delà de la profanation » est tiré d’une histoire vraie. Celle d’une fillette violée à plusieurs reprises par son père. Devenue adulte, elle décide de briser le silence auquel elle a été contrainte lorsque elle rencontre l’homme qu’elle aime. Le film traite des conséquences de cet acte de dénonciation ordinaire qui entraîne la jeune femme et ses proches dans un cercle infernal de violence, de vengeance et de justice…  Etats des lieux et présentation.

Natalie Forite
Journaliste, Zig Presse

Maniang Diagne
Maniang Diagne est ce que l’on appelle, dans le milieu de l’audiovisuel, « un auteur engagé. »  Les idées des scénarios de ses films, ils les puisent à l’école de la vie. Parce qu’il exerce depuis 16 ans le métier d’éducateur, il est confronté chaque jour aux réalités du quotidien des sénégalais les plus démunis :  «Pendant toutes ces année, j'ai recueillis des  témoignages et partager des situations terribles. Surtout avec les femmes qui, à cause des tabous n'avaient aucune chance de communiquer sur leurs problèmes. » Le viol, la maladie, la maltraitance, les « protégés » de  Maniang connaissent ça par cœur !

Maniang se demande comment dénoncer ce qu’il voit, comment éviter ce qui se passe, comment prévenir, sensibiliser, et dire ce qui est tu.

La fiction contre l’indicible réalité

En 2009, il a alors 37 ans, l’éducateur pressent que le  cinéma peut servir son engagement. Autodidacte, il réalise un premier film avec les moyens du bord. « Amina, la jeune lycéenne » décrit le calvaire d’une adolescente violée, maltraitée et atteinte par le virus du sida. Le film obtient le premier prix 2010 du Festival du film sénégalais sur les violences basées sur le genre. Fort de son succès, il décide de parfaire sa formation  et s’inscrit à l'école supérieure de la presse « ESPTRITS » de Thiès. «  Le cinéma, explique-t-il, est un support redoutable. Il permet non seulement de sensibiliser  mais aussi de soutenir les victimes, de faire partager leurs souffrances alors qu’elles se taisent car elles ont peur ou honte de ce qu’elles vivent. »  

Maniang rappelle que les abus contre les enfants sont devenus ces dernières années un phénomène récurrent au Sénégal. « Il n’y a pas un seul jour sans que la presse écrite comme audiovisuelle ne soit inondée de comptes rendus de procès et de récits d’abus sexuels, témoigne-t-il. C’est pourquoi les ONG ont crevé l’abcès en faisant l’état des lieux du viol au Sénégal.  Ainsi près de 400 cas de viols et d’agressions sexuelles ont été enregistrés dans notre pays. L’enquête de «Grave» a montré que les régions de Dakar, Kolda, Diourbel, Louga, Matam et Tambacounda sont les endroits où le taux de ce genre d’agression est le plus élevé ».  

Et d’après Madicke NIiang, l’ex-ministre de la Justice, 47% des auteurs de viols sont impunis.
« L’impunité est liée aux tabous, alors, j'ai décidé de parler de ce sujet à travers le cinéma, précise Maniang, « Au-delà de la profanation » servira de support de sensibilisation qui permettra d’éclairer le monde sur la pratique de l’inceste et ses conséquences, démontrera que  l’impunité n’est plus de mise, que le soutien psychosocial des filles victimes d’inceste existe »

Maniang Diagne espère que son film, qui cherche aujourd’hui financements et producteurs, amènera les adultes à faire face à leurs responsabilités afin qu’ils changent de comportements sexuels et que la «sutura» (pudeur) perdra du terrain pour laisser place à plus de justice et de prise en charge.


Pour ceux qui veulent aller plus loin  : 
L'étude sur la situation des violences basées sur le genre au Sénégal et ciblant particulièrement les régions de Dakar, Matam, Kolda, Tambacounda et Ziguinchor - initiée en 2008 par le Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la Microfinance et de la Petite Enfance, l’UNIFEM et l’UNFPA.

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